PARIS FRAGMENTS
Jean-Manuel Simoes
Robert Bared
Jorge Rodriguez de Rivera
8 - 18 mars
Tous les jours 14h - 19h30
Studio Olivier Placet
15 rue Bouchardon 75010 Paris
Louis-Jacques-Mandé Daguerre a pour la première fois photographié les toits de Paris avec son nouveau procédé photographique – le daguerréotype – en 1838. Depuis Paris est devenue la ville la plus photographiée au monde par les amateurs comme par les professionnels. De Nadar et Atget en passant par Ilse Bing, Brassai, Cartier-Bresson, Doisneau, Irving Penn, Sabine Weiss à Martin Parr et Bruce Gilden, il n y a pratiquement aucun grand nom de l’histoire de la photographie qui, à une époque ou à une autre, n’ait pointé son objectif sur la ville-lumière.
Chaque génération de photographes a eu sa propre vision de Paris et de ses habitants. Leurs photos témoignent à travers le temps des évolutions architecturales et sociales du tissu urbain parisien ainsi que des évolutions techniques et stylistiques de l’art photographique lui-même. La photographie et Paris, qui a été le premier témoin de sa naissance, semblent inextricablement liés.
Notre ambition dans l’exposition Paris Fragments, qui réunit deux photographes et un collagiste contemporains – Jean-Manuel Simoes, Robert Bared et Jorge Rodriguez de Rivera – est de souligner dans la représentation actuelle de Paris une sensibilité nouvelle qui met l’accent sur la vision fragmentaire de la ville.
Jean-Manuel Simoes
Comme photo-reporter et photographe de la rue, Jean-Manuel Simoes est celui parmi les trois artistes présentés, qui est le plus sensible à l’accélération de la cadence de la vie urbaine et de l’impact sur le métier de photographe de l’extraordinaire inondation d’images instantanées induite par l’arrivée du Smartphone. Dans les trois séries photographiques présentées dans Paris Fragments, Simoes examine la nature instantanée de la perception et de la réactivité de l’objectif photographique dans la vie urbaine moderne.
La superposition d’images de rue multiples dans la série ParisNomics et dans le Show Must Go On, ou manifestants, casseurs et leur témoins se fondent dans une vision fragmentée de la tension urbaine témoignent de cette accélération de la perception visuelle de l’espace urbain.
Sa toute dernière série d’images de Paris - Paris Kaleidoscope 2018, - est composée de prises de vue « volées » et furtives de passants parisiens de toutes origines déambulant dans les rues perdus dans leur pensées.
Robert Bared
Robert Bared apporte, lui, une sensibilité plus romantique à ses prises de vue de Paris : “Un certain idéal d’harmonie m’éloigne de toute réalité trop brute ou trop névralgique, comme de toute recherche purement mentale.” Bared aborde les lieux emblematiques et les quartiers historiques de la capitale d’une façon très originale.
Il capte les rues et les façades de Paris les jours de pluie à travers le pare-brise de sa voiture. Les édifices, les illuminations nocturnes et les passants sont déformés et métamorphosés par le prisme constitué de coulées de pluie sur la vitre. Il en résulte une beauté délicate, composée d’images fragmentaires et furtives dans un équilibre précaire entre photographie et peinture impressionniste. C’est une vision personnelle et contemplative de la ville qui est à l’opposé de la confrontation brute et directe de Simoes.
Jorge Rodriguez de Rivera
Les collages de Paris de Jorge Rodriguez de Rivera sont inspirés d’une vision pittoresque classique de la ville teintée de surréalisme. Rodriguez de Rivera utilise des vues de lieux célèbres parisiens tels le pont Alexandre III, la Galerie Vivienne ou le musée Carnavalet comme fonds sur lesquels il colle une foule de figures exotiques découpées dans des livres d’histoire de l’art : personnages de la Belle Epoque et de la peinture Rococo, animaux et oiseaux divers, sculptures, plantes tropicales…
L’aspect quotidien des sites parisiens se transforme comme par magie avec l’arrivée de ces fragments historiques liés entre eux par des histoires inventées. Les personnages découpés animent les rues, les musées et les jardins de la ville tout en respectant par leur taille et leur emplacement l’unité de l’espace et les perspectives des photos. Paris se transforme en une aire de jeu magique où les rencontres fortuites d’êtres imaginaires ont comme but de surprendre et d’amuser le spectateur.
Works in the Exhibition :
Robert Bared - Rain Painting, Paris
« Le Rain Painting consiste à capter un paysage ou une scène de pluie, de manière à laisser la pluie estomper, brouiller les lignes, les contours, les couleurs, et parfois les ébranler, les défaire, ou encore les éparpiller, les pulvériser. Tels alignements de fenêtres ou de réverbères, telles silhouettes de piétons ou de cyclistes, peuvent ainsi être noyés dans une douce nuée de pluie, ou bien aller jusqu’à perdre leur intégrité formelle et se répandre en éclaboussures, s’effilocher en lambeaux, irradier en flammes.
La figuration ne disparaît pas pour autant dans ce type de photographie, et l’on ne s’y trouve que très rarement à la limite de l’abstraction. Le sujet photographique existe bel et bien, tantôt paysage submergé de pluie, tantôt scène emportée par une bourrasque. »
Robert Bared, décembre 2017
Robert Bared - Winter Trees, Paris
« Les arbres d’hiver ont leur beauté intrinsèque. Ils possèdent aussi la vertu de révéler le paysage dont ils entravent partiellement la vue, de lui servir d’écrin tout en lui faisant écran. Dans les photos présentées ici, ils célèbrent à leur manière les monuments emblématiques de Paris. La République allégorisée mêle son rameau d’olivier aux ramifications d’un platane. Le génie de la Bastille surgit parmi des nuées de branchages. La tour Eiffel semble environnée d’échafaudages participant de son embellissement. »
Jorge Rodriguez de Rivera - Paris Collages, 2005-2018
Jean-Manuel Simoes - ParisNomics, 2009
Jean-Manuel Simoes - Paris, The Show Must Go On, 2017
S’il est un domaine qui a été entièrement révolutionné par les évolutions technologiques au cours de la dernière décennie, c’est bien celui de la photographie.
Miniaturisation des optiques, performances des capteurs, évolution des logiciels de traitement d’image, facilité de diffusion via Internet et les réseaux sociaux ont permis à la production d’images et à leur visualisation d’arriver à un niveau d’utilisation non encore atteint par une quelconque autre forme d’expression ; la parole ayant, quant à elle, les limites de la langue dans laquelle elle est parlée.
Si le téléphone portable a le pouvoir de transformer son porteur en photographe potentiel, chacun semble en avoir parfaitement pris conscience. De la prison d’Abou-Ghraib au dernier vol du Concorde, avec plus récemment l’affaire du jeune Théo, les « images d’amateurs » font désormais partie de l’information générale et, de fait, contribuent à façonner notre monde.
Au cours des printemps-été 2016, j’ai pû prendre la mesure de l’importance qu’avait atteind cette tendance à la production d’images ou, plus exactement, cette participation « d’amateurs-captureurs d’images » à des grands évènements, et de l’intégration de ces images dans le fil de l’actualité. Une activité jusqu’à peu, accessible aux seuls professionnels.
Durant cette période, les rues de la capitale se sont remplies des cortèges des manifestations contre la loi travail, dite « El-Khomri ». La violence n’a échappée à aucun média, et je dois dire pour ma part qu’elle m’a également surpris par son intensité, sa démesure et son organisation « quasi militaire », qu’on l’ai observée du côté des forces de l’ordre ou de celui des contestataires.
Mais bien au delà de cette violence plus ou moins « organisée », j’ai été frappé par la présence d’appareils photo tout au long des cortèges et lors des affrontements. Non pas une, dix ou une centaine, mais des milliers de mains brandissant leurs téléphones prêts à saisir l’image d’un événement auxquels ils ne participeront, pour la plupart, que l’espace de quelques mètres. À ce niveau de participation, il est légitime de s’interroger sur les motivations, tout autant que sur le contenu d’une production qui sera régulièrement diffusée et pourra influer sur la perception dudit événement, par celles et ceux qui, comme bien souvent, ne s’en feront une opinion qu’au travers de son image.
Plutôt que de dérouler le fil de ces questions, j’ai décidé de me focaliser sur le contraste visuel des deux plans, avec d’un coté des affrontements et de l’autre des milliers d’amateurs photographiant ces affrontements. Pour conserver cette dualité, j’ai opté pour la technique dite du « sandwich », en photographiant les scènes qui se déroulaient devant moi, puis en me retournant pour photographier celles et ceux qui se trouvaient derrière moi. Au labo, j’ai superposé ces plans pour créer une image nouvelle et quasi-irréelle, tirée sur un papier très métallique, rappelant le célèbre Cibachrome. Allant au bout de ma démarche, j’ai réalisé des coques de téléphones portables au format des tirages pour les y insérer. Chaque image fait ainsi corps avec son cadre, dans la mesure où il en est également auteur et sujet.
Au cours de ces manifestations, j’ai eu l’impression d’assister à un immense spectacle auquel le public était invité à participer dans les rues de la capitale. Ce retour en arrière dans l’histoire du spectacle de violence, en me faisant penser aux jeux romains du cirque, m’a logiquement suggéré le nom de ce travail : The show must go on !
Ce travail est constitué par une série complète contituée de cinquante pièces.
Jean-Manuel Simoes, novembre 2017
Jean-Manuel Simoes - Paris Kaleidoscope, 2018